Nouveau médicament contre l’obésité et le diabète

Frissons

Le cœur des diabétologues bat au ralenti, il est presque en arrêt. Si il pouvait parler, le cœur crierait de joie : « un traitement qui serait efficace pour perdre du poids et en même temps qui permet un équilibre du diabète ? Serait-ce trop beau pour être vrai ? »

La forme de diabète la plus répandue est le diabète de type 2. Elle associe souvent au surpoids et l’obésité, des difficultés de réguler le niveau de sucre dans le sang (glycémie). Devant ce diabète, la prise en charge est constituée de 3 piliers : la perte du poids en modifiant les habitudes alimentaires et augmentant l’activité physique, et au besoin la prise d’un traitement antidiabétique oral, voir de l’insuline.

En chiffre

Le monde actuel « s’obésifie ». Entre 1975 et 2016, la prévalence de l’obésité a presque triplé au niveau mondial. L’obésité est maintenant reconnue comme une maladie chronique. En 2016, les données de l’Organisation Mondiale de la Santé montrent que 39% des adultes sont en surpoids et 13% sont obèses, soit plus de 1.9 milliards de sujets adultes concernés.

Le diabète quant à lui touche en 2021 près de 537 millions de personnes dans le monde, tendance en progression (Fédération Internationale du Diabète). Le diabète en 2021 est responsable de 6.7 millions de décès dans le monde.

Les complications associées à l’obésité et au diabète

Obésité et diabète associent aussi des risques comme la complication du diabète de type 2, l’hypertension artérielle, les anomalies du cholestérol, le foie gras et inflammé (la stéatohépatite), l’athérosclérose, la maladie rénale chronique, les cancers, les dysfonctions hormonales chez l’homme et la femme, les maladies respiratoires comme l’apnée du sommeil.

TIRZEPATIDE : Est-ce une révolution ?

Courtesy of Eli Lilly and Company

La Food and Drug Administration (FDA) aux USA a donné le 13 mai 2022 une autorisation de mise sur le marché pour TIRZEPATIDE (MOUNJARO®, nom commercial), un nouveau médicament proposé par le laboratoire pharmaceutique Eli Lilly, et appartenant à la famille des antidiabétiques appelée « incrétine ». On sait depuis fort longtemps que le diabète est la conséquence du déficit de sécrétion d’insuline (hormone régulatrice de la glycémie). « L’effet incrétine» décrit en 1932 correspond à la capacité de certaines hormones ( les incrétines) du tube digestif de stimuler la sécrétion d’insuline en réponse à un repas.  Il a été mis en évidence qu’il existe un déficit de « l’effet incrétine» au cours du diabète de type 2, ce qui contribue à une inadaptation de la sécrétion d’insuline en fonction de la glycémie.

Des molécules de cette même famille (incrétine) sont/ont été déjà présentes sur le marché aux USA et en Europe et font parties de l’arsenal thérapeutique dans le diabète de type 2. Il s’agit de EXENATIDE (BYDUREON®), DULAGLUTIDE (TRULICITY®), LIRAGLUTIDE (VICTOZA®, SAXENDA®), SEMAGLUTIDE (OZEMPIC®, WEGOVY®).

TIRZEPATIDE : quoi de neuf ?

Courtesy of Eli Lilly and Company

Les molécules suscitées de la classe des incrétines ont en commun une particularité, celle d’avoir une seule cible (appelée récepteur GLP-1) pour stimuler la sécrétion d’insuline et favoriser un contrôle de la glycémie.

TIRZEPATIDE elle innove avec une double cible qui sont le récepteur glucagon-like peptide 1 (GLP-1) et glucose-dependent insulinotropic polypeptide (GIP). L’effet incrétine du GIP est aussi diminué au cours du diabète de type 2.

La stimulation de sécrétion de l’insuline via l’activation de ces 2 cibles GLP-1 et GIP contribue efficacement au contrôle du diabète.

TIRZEPATIDE : quelle efficacité ?

Courtesy of Eli Lilly and Company

L’étude de phase 3 SURPASS-2 a inclus 1879 participants suivis sur 40 semaines, et comparé TIRZEPATIDE au SEMAGLUTIDE, un des plus puissants antidiabétiques de sa catégorie en termes de baisse d’hémoglobine glycosylée (HbA1c ou A1c) et de perte de poids. Cette étude retrouve une supériorité de TIRZEPATIDE par un meilleur contrôle du diabète et une perte de poids plus importante. En effet, le TIRZEPATIDE a permis une baisse de l’HbA1c (traduisant ainsi un bon contrôle du diabète) de 2 à 2.3 points comparativement à SEMAGLUTIDE (1.86 points).

TIRZEPATIDE a été aussi comparée à l’insuline (insuline glargine, BASAGLAR®) dans l’étude de phase 3 SURPASS-4 incluant 3045 participants suivis sur 52 semaines. L’HbA1c a baissé près de deux fois plus (-2.58) dans le groupe TIRZEPATIDE comparativement au groupe insuline (-1.44).

TIRZEPATIDE : L’obésité aussi ?

Il faut savoir que même si leur indication première n’est pas la prise en charge de l’obésité (en Europe), les molécules de la classe des incrétines sont connues pour leur efficacité aussi dans la perte de poids. Par exemple, le SEMAGLUTIDE (OZEMPIC®, WEGOVY®) a permis une perte allant jusqu’à 12% du poids initial, ce qui lui a valu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de l’obésité par la FDA aux USA (cette indication n’est pas encore validée en Europe).

https://biopharma.media/tirzepatide-strong-weight-loss-drug-3967/

Chez des personnes non diabétiques dans l’étude SURMOUNT-1 qui a incluse 2539 participants (obèses ou en surpoids avec des complications liées aux surpoids, tous non diabétiques) suivis sur 72 semaines et comparant TIRZEPATIDE à un placébo, la perte de poids est allée jusqu’à 15% à 21% du poids initial (poids initial moyen 104.8 kg).

Pour les patients avec un diabète de type 2 dans l’étude de phase 3 SURPASS-3 incluant 1444 sujets suivis sur 52 semaines, ces derniers sous TIRZEPATIDE ont eu une réduction de poids allant de 7.5 à 13 kg comparativement à ceux traités par insuline (insuline dégludec, TRESIBA®).

Réponse au traitement et effets secondaires ?

Il faut noter que la perte de poids et la baisse de HbA1c ne sont pas identiques chez tous. Toutefois, les études avec TIRZEPATIDE montrent que 82% à 91% des sujets obèses perdent au moins 5% du poids initial (contre 35% uniquement avec le placébo). Certains sujets répondront très bien au traitement avec les résultats cités ci-dessus et d’autres un peu moins. Selon Ania M. Jastreboff, (Professeur agrégée à Yale School of Medecine, USA) et investigatrice principale de l’étude SURMOUNT-1, les répondeurs à ce médicament se sentiront rassasiés plus tôt et pourront manger de plus petites quantités plus souvent. Le traitement doit être pris en continu sur le long terme. Si le médicament est interrompu, la masse grasse corporelle remontera de nouveau.

Il existe des effets secondaires associés. Les études mettent en évidence surtout des inconforts digestifs moyens à modérés apparaissant lors de la modification des doses de traitement. Il faut toutefois noter que 4% à 7% des sujets dans l’étude SURMOUNT-1 n’ont pas terminé l’étude pour des effets secondaires gastrointestinaux. Dans l’étude de phase 3 SURPASS-2, la nausée a été présente chez 17% à 22%, de la diarrhée chez 13% à 16% et des vomissements chez 6% à 10%. En étude de phase 4 SURPASS-3 qui a comparée TIRZEPATIDE et l’administration d’insuline, 19% sous insuline ont présenté une hypoglycémie contre seulement 6% à 9% de sujets sous TIRZEPATIDE. A noter que chez les patients sans traitement hypoglycémiant, ces pourcentages baissent à 1% à 3%.

Dans les expériences chez les rongeurs, TIRZEPATIDE provoque des tumeurs des cellules C de la thyroïde dose-dépendantes et dépendantes de la durée du traitement à des expositions cliniquement pertinentes. Chez l’homme, on ne sait pas si cela est le cas, y compris le carcinome médullaire de la thyroïde (MTC). Ce traitement est contre-indiqué chez les patients ayant des antécédents personnels ou familiaux de MTC ou chez les patients atteints du syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2. Il est souhaitable de bien discuter avec son endocrinologue-diabétologue avant de se décider et pour un meilleur suivi.

Administration, disponibilité et à quel prix ? 

Courtesy of Eli Lilly and Company

Le TIRZEPATIDE est administré par voie injectable en sous cutané une fois par semaine. L’utilisation est simple et faite par le patient lui-même.

La FDA a donné une autorisation de mise sur le marché pour TIRZEPATIDE (MOUNJARO®) pour la prise en charge de l’obésité et du diabète de type 2. Au jour de publication de cet article, le médicament n’est pas encore disponible pour le marché Européen ou Africain. En Europe, ses homologues de la même classe thérapeutique n’ont d’autorisation que pour le traitement du diabète de type 2 et non pour l’obésité, à savoir DULAGLUTIDE (TRULICITY®), LIRAGLUTIDE (VICTOZA®, SAXENDA®), SEMAGLUTIDE (OZEMPIC®).

Le coût actuel du traitement pour le patient par TIRZEPATIDE est de 974.33 $/mois. Pour le concurrent direct en termes d’efficacité SEMAGLUTIDE (OZEMPIC®) et disponible en Europe, le coût est de 925 $/mois. Il faut noter qu’en France depuis le 1er décembre 2021, SEMAGLUTIDE (OZEMPIC®) sous sa forme injectable est remboursé à 30% contre 65% auparavant. Cette réévaluation est du fait de la Haute Autorité de Santé (HAS) ayant procédé à la réévaluation des molécules de cette classe dans le traitement du diabète de type 2 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3282782/fr/ozempic-semaglutide ).

Quelle conclusion alors !

TIRZEPATIDE a les arguments pour être de bonne indication dans le diabète de type 2, avec une bonne aptitude pour faire perdre du poids. L’obésité étant aujourd’hui une vraie pandémie, ce traitement serait utile dans une stratégie globale et individualisée de prise en charge de l’obésité qui inclut l’activité sportive (dépense calorique), ajustement des apports caloriques et la qualité nutritionnelle.

Il faut prendre conscience que les conditions et les mécanismes modifiables qui conduisent à l’obésité et au diabète sont connus : baisse ou absence d’activité physique, sédentarité, alimentation hypercalorique et disproportionnée par rapport aux besoins réels.  Ce sont contre ces dernières que nous devons axer les efforts pour une prévention meilleure de la santé contre l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires. Les deux continents les plus peuplés Asie (49.4% de la population mondiale) et Afrique (17.4%) sont aussi ceux dont l’accès aux soins est plus difficile. Le produit intérieur brut par habitant en Afrique et certaines régions d’Asie sont plus de 10 fois plus faibles que dans les pays « riches ». Une stratégie de prévention et lutte contre l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires nécessitent une autre approche que celle d’un traitement coûteux pour leur environnement.

Tags: ,

7 thoughts on “Nouveau médicament contre l’obésité et le diabète

  1. La science en constant progrès… Merci Dr Chocolat…
    Le seul plus sur les autres antidiabetiques est le fait qu’il agit aussi sur l’obésité….donc si je suis diabétique mais pas obèse et que l’insuline me va bien nul besoin de changer c’est ça ?

    1. Cher Telly, très belle remarque. Aucune molécule à ce jour n’a permis des perte de poids de cet ordre de grandeur. Les etudes montrent que, même en association avec l’insuline, la perte de poids est significative. Il peut y avoir un intérêt dans une telle association. Par ailleurs, les autres antidiabétiques ont aussi sur le poids, certains favorisant la prise de poids (insuline, sulfamides hypoglycémiants), d’autres la perte de poids ( Metformine, les incrétines).

  2. Très bel article Dr Chocolat!!!
    Un peu dommage pour la seul CI en rapport avec la thyroïde.
    J’aime ta conclusion, chez la prévention primaire est l’arme la plus efficace. Il faut sensibiliser. Trouver des moyens pour le faire plus efficacement.

  3. Vive la science.Au vu des coûts de ces produits j’imagine qie c’est pas demain qu’ils seront disponibles en Afrique subsaharienne.Pourtant les maladies métaboliques y sont de plus en plus importantes.Vivement que ces maladies soient considérées autant que les maladies infectieuses

  4. Bonsoir Doc Chocolat, je suis obèse et pas diabétique. Ce médicament n’est donc pas indiqué pour moi. Que dois-je prendre dans ce cas pour perdre du poids?

    1. Chère Daniele. Ce médicament comme ceux de sa classe ont une autorisation de prise en charge de l’obésité même en absence de diabète. Donc, mais sans avoir un diabète, vous pouvez vous faire prescrire ce traitement pour la prise en charge de l’obésité uniquement

  5. Actuellement toutes les molécules proposées pour lutter contre le diabète en leur place celle-ci la dernière à une autre cible bien précise dans la visio pathologie de cette maladie chronique

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *